Le felys tire lentement la porte de la chambre pour la refermer. Il reste quelques instants, les doigts effleurant la clenche, les yeux perdus dans le vide, puis cligne des paupières et l’abandonne pour se tourner vers le long couloir. Il s’avance lentement, éteignant sur son passage une à une les torches. Aucun regard en arrière.
Il débouche sur la mezzanine, celle qui leur servait de salon privé et qui offre une vue imprenable sur le reste de la salle, et s’arrête. Il parcourt du regard ce décor si familier pour en graver les moindres détails dans sa mémoire, et le faire revivre un court instant.
La cheminée, aujourd’hui froide et sombre, mais où ronronnait autrefois un feu des plus accueillant, aussi ronronnant que lui même dans ses coussins à coté de l’âtre. La poutre maîtresse de l’auberge au milieu de la grande salle, où il avait passé d’interminables heures perché pour expliquer à une trollette fort peu commode que ce n’était vraiment pas lui qui avait touché au nain dans le cellier. La porte, taillée d’un bloc dans le plus résistant des ents, c’était pas donné mais il en avait eu assez de la changer à chaque fois qu’un invité voulait faire une entrée « fracassante » ou que Marduk devait discuter efficacité avec sa hache. L’estrade où ils se réunissaient pour jouer et danser jusqu’au petit jour, un verre à la main. Les marques de brûlures, laissées çà et là dans la salle, dans toute l’auberge en fait, par les boules de feu de Sieg. Le cadavre de l’elfe au milieu de la salle.
IL descend l’escalier vers la salle et jette un dernier regard autour de lui, cette fois pour s’assurer que tout est bien en place. Répandre de l’huile aromatique dans l’auberge au lieu d’huile ordinaire… non, au final il ne regrette pas, elle brûle tout aussi bien et a le mérite de masquer l’odeur du sang. Shandora jette un dernier regard au cadavre de Vahn et se dirige vers la porte, il attrape la lanterne qui éclaire le perron et la jette à l’intérieur.
Alors que les flammes se propagent, il referme la porte et part s’asseoir sur le rebord du vieux puit pour contempler le spectacle.
Toute la nuit durant il obverse le scintillement des flammes qui dévorent l’auberge, il écoute leur crépitement, les gémissements et les craquements du bois. Et derrière, presque étouffé par le reste, le clapotis de la rivière, le bruissement des feuilles, le vent… Merveilleuse mélodie.
Le felys ferme les yeux et se laisse bercer. Mais il manque quelque chose. Le doux son d’un violon, d’une flûte ou d’une harpe, le rythme lancinant des tambours de guerre… Alors lentement, le sorcier lève la main droite et commence à la faire danser alors qu’il chantonne cette petite mélodie qui trotte dans sa tête.
Un dernier requiem pour les Mélodies Éternelles.