Au détour d'un ent

Le felys était nerveux... inquiet peut être. Il venait d'apprendre que la jeune felys arpentait la foret de Barla... quelle inconscience!
Il ne pensait vraiment pas la voir arriver aussi rapidement. Il tournait maintenant nerveusement dans la pièce.

Que faire? le rapport des Yeux de la nuit était formel, elle se trouvait là... Une troupe allait se mettre en marche et l'exécuter "au nom du Maître", ce territoire était maintenant à eux... à Lui, et quiconque s'y trouvait sans autorisation mourrait.
Non décidément, s'il ne pouvait la protéger il pouvait au moins la prévenir. Il se saisit prestement d'une plume, d'un parchemin.

Chère demoiselle Salayak,
J'aimerai pouvoir m'éterniser en mots doux et formules de politesses, mais le temps m'est compté... VOUS est compté.
Vous n'êtes certainement pas sans savoir que ce territoire est maintenant un champ de bataille, et décrété terrain privé. Si les troupes de la Confrérie arrivent vous périrez.
Ne me demandez pas comment j'ai eu vent de votre présence en ces terres, filez! N'importe quel endroit sera plus sûr qu'ici.

Shandora.


Le felys envoya le message, espérant qu'elle le recevrait à temps, et surtout qu'elle prendrait ce conseil à sa juste valeur.

Salayak, sonnée suite aux attaques de tristes assassins essayait de se remettre sur pieds quand une missive lui parvint, ammenée par un rat jusque dans les grottes.....

Etonnée, elle défit le pli et lu ce qui était griffoné dessus.

Shandora... ce felys qui lui hérissait le poil, se permettait de lui écrire...
Comment l'avait-il retrouvé?
Comment savait-il qu'elle dormait dans le coin?

Vraiment, il l'étonnait parfois...

Il voulait qu'elle sorte de la forêt... Mais de quel droit se permettait-il de lui demander de filer?

Il la prenait pour qui?
Une pauvre felys sans défense, rongée par la peur de mourrir?

C'était bien mal la connaître.... Une Amazone n'avait peur de rien et de personne!
Elles ne fuyaient pas.... Oh ça, non! Jamais!


Mais... tout de même, Salayak se mit a repenser a tout ce qui s'était passé...
Il n'avait pas été si méchant en fait... juste brutal... un mâle quoi....

Peut être devait-elle prendre en compte ce message... Peut être voulait-il la protéger....
Elle ne pourrait jamais en avoir la certitude...

Puis elle aimait tellement la forêt... se promener de branches en branches.... se tapir en attendant la proie...
Sortir de là... Oh vraiment....

Salayak était perdue dans ses pensées, elle tournait et retournait le problème dans son petit cervelet....
Quoi qu'elle fasse, il y aurait toujours un risque . Et ses soeurs n'étaient même pas là pour la conseiller...

Shandora se tenait assis sur un tronc d'arbre à quelques mètres de la jeune felys endormie, tapotant des griffes sur l'écorce de l'arbre, légèrement agacé.

Évidement elle ne l'avait pas écouté, comme d'habitude elle n'en faisait qu'à sa tête et ne tenait pas compte de ses paroles de "méchant mâle".
Si encore elle avait pris la peine de se cacher dans les grottes comme la veille, celle d'intelligence par exemple où il y avait déjà moins de passage... mais non! Elle dormait là comme une bienheureuse au beau milieu de la foret. Elle n'était pas au courant que les éclaireurs de la confrérie faisaient les rondes pour repérer les resquilleurs?

Si elle aimait tant que ça les arbres, il y avait un bosquet bien plus fréquentable à l'autre bout du pays! S'il n'était pas venue elle serait morte à l'heure qu'il est. Il ne pourrait pas toujours veiller sur elle, et si Sentence l'apprenait il passerait un très mauvais moment.

Le felys frissonna à cette pensée, mais retourna très vite à sa principale occupation: râler.

Non mais vraiment!

Il continuait à ruminer, attendant le réveil de la felys bornée.

Salayak se réveilla lentement.... Elle était en sueur.
Une présence.....
Des rêves....

Que s'était-il passé?
Des coups.... puis des soins....

Ses rêves avaient l'air si vrais...

Cela lui avait donné mal au crâne....

Elle se passa la main sur la tête... tout était là... ses oreilles.... son foulard ... Mais quelque chose coulait sur son visage.... elle passa sa main sur sa joue et un liquide visqueux lui colla aux doigts.
Elle ouvrit complètement les yeux.
Du sang.

Shandora se tenait assis sur un tronc d'arbre à quelques metres de la jeune felys endormie, tapotant des griffes sur l'ecorce de l'arbre, légèrement agacé.

"Mais????"

Cette fois, elle était réveillée pour de bon.

"Vous?" lança-t'elle au felys.
"Mais que faites-vous là?"

Elle se toucha les yeux.

"Bon, ils sont toujours là!"

"Mais vous... que faites-vous sur ce tronc?
Vous attendiez mon réveil pour mieux m'écorcher vive?"

Salayak était prête à lui lancer une ou deux boules de feu.. Mais quelque chose la retenait...
Si il avait voulu la tuer... Shandora n'aurait pas attendu qu'elle se réveille...

Puis ses rêves... elle se souvenait.... ses mains la touchaient... elle en était sûre!

Regardant Shandora, Salayak éclata:
"Vous avez osé porter vos mains sur moi pendant que je dormais?
Les coups que j'ai dû subir, c'est vous!!!!
ça ne peut être que vous!
J'en suis sûre!"

La jeune felys s’éveillait lentement, émergeait lentement de ses rêves. La nuit avait été agitée, et cela s’était ressenti sur ses rêves apparemment, mais jamais elle ne s’était éveillée.

Shandora l’observait vérifier que toute partie de son corps était en place… évidement que tout était en place, il n’était pas prêtre mais tout de même… Bon, il restait toujours quelques légères blessures, du sang aussi, mais considérant qu’il avait tout de même bien plus l’habitude de tuer que de soigner, le résultat était plutôt convenable.

Il ne s’attendait pas à un accueil chaleureux avec bouquets de roses et grands remerciements, mais les remarques de Salayak ajoutées à son manque de sommeil ne réussirent qu’à amplifier son agacement.

« Ce que je fais sur ce tronc ? je tricote cela ne se voit pas ? en prévision des longues nuits d’hiver que vous passerez certainement dehors puisque vous ne semblez guère apprécier le confort et la sécurité d’une chambre… à moins que je n’essaye la camisole de force, mais c’est déjà plus délicat à faire qu’une couverture, il y a des manches.

Revenez un peu sur terre bon sang ! si j’avais voulu vous écorcher vive vous seriez déjà en train de gambader entre les arbres en manteau de chair sanguinolente… »

Le felys eu un petit rire ironique et continua à répondre aux questions si aimablement posées.

"Porter la main sur vous ? Je n’ai pas pour habitude de me tacher les main de sang, je préfère de loin brûler vives mes victimes, c’est plus chatoyant et bien moins salissant.
Mais en effet, j’ai bien dû vous toucher… difficile de soigner un blessé grave sans examiner ses blessures… la prochaine fois j'attends votre réveil pour demander la permission?"

Shandora soupira, tout agacement envolé.

"Bien, maintenant que vous êtes réveillée, je suppose que vous courez déjà moins de dangers… Je suppose que je n’arriverais pas à vous convaincre de vous éloigner de cette foret, mais tachez au moins de ne pas dormir à la belle étoile, cela vous évitera d’être prise entre deux fronts et je ne serais pas toujours là pour vous sauver les moustaches…"

Il se relève et s’apprête à partir.

"Sur ce… vous m’excuserez mais je manque cruellement de sommeil et possède un minimum d’instinct de survie… je vais donc devoir vous laisser…

à moins que vous ne désiriez découvrir les joies d’une chambre d’auberge avec moi?"

Ajouta t il malicieusement, plus pour la taquiner et s’amuser de sa réaction.

Salayak, rouge de honte plus que de colère, écoutait les moqueries de Shandora.
Il l'avait soigné et elle, elle l'agressait....

Peut être que ce felys n'était pas comme tous les mâles qu'elle avait croisé jusqu'alors.
Mais il en restait néanmoins un assassin... il le disait lui-même: il aimait voir bruler ses victimes..... Il trouvait ça chatoyant....

Enfin, il lui arrivait a elle aussi de faire roussir quelques ennemis... après tout....
De quel droit se permettait-elle dele juger. Peut être valait-elle autant que lui en y réfléchissant.

Elle était prête à s'excuser lorsqu'il fit mine de partir.
Salayak tendit le bras en direction de Shandora pour le retenir...

Et voilà... il avait fallu qu'il sorte un de ces bons mots dont il avait le secret....

Il lui proposait "de découvrir les joies d'une chambre à l'auberge" avec lui.
Mais pour qui la prenait-il?
Une felys de bas étage, prête a se rouler dans la paille avec le premier felys venu?

Salayak ravala ses excuses et se dirigea comme une furie vers Shandora:
"Mais pour qui me prenez-vous?
Et surtout, pour qui vous prenez-vous pour me parler des joies d'une nuit passée à l'auberge avec vous?
Où serait le plaisir?"
Son visage si proche du sien qu'elle aurait pu sentir son haleine, Salayak laissait éclater sa colère contre tous les mâles qui lui avaient fait du mal.
"Vous n'êtes qu'un goujat! Un malapris!
Ce ne sont pas vos piètres talents de soigneur qui pourraient me faire désirer votre présence dans un lit!
Je préfèrerais encore dormir avec un de nos esclaves!"

Salayak ne savait plus que dire...
Vraiment, ce Shandora avait l'art de la faire sortir de ses gonds et cela l'énervait plus que tout.

Shandora dut faire un gros effort sur lui même pour ne pas éclater joyeusement de rire en observant la réaction de Salayak à sa dernière remarque.

Le petit mouvement pour le rattraper qui s’était transformé en féroce attaque frontale, son expression passant de l’embarras à la colère et à l’indignation… toutes les réactions de la felys étaient si spontanées qu’il ne s’en lassait pas.

« Dormir avec un de vos esclaves… tut tut, vous allez finir par me vexer. Ces pauvres petits sont si soumis et dociles que la chose perd tout son charme… les poupées sans âmes sont si ennuyeuses. »

Il y avait aussi des sujets sensibles pour Shandora, il valait certainement mieux qu’il s’arrête avant de donner son avis sur ces idiots.

Salayak s’était volontairement rapprochée à quelques centimètres du visage de Shandora. Il sourit, décidément la colère lui faisait oublier toute prudence. Le jeu valait certainement la peine de se poursuivre.

Il se rapprocha un peu plus, frôlant les moustaches de la felys de son souffle, approchant de l’oreille pour continuer dans un murmure.

« C’est tellement plus intéressant quand le partenaire n’est pas un vulgaire bout de viande. »

Il passa dans son dos, sans arrêter son cinéma.

« Mais on ne saurait les condamner vos protégés… je les prendrais presque en pitié. Prisonniers de vos charmes, tellement désespérés qu’ils se passent eux même les chaînes… »

Il était si proche… depuis le début il avait veillé à ne pas la toucher, parce qu’il savait que cela finirait comme lors de son passage chez les amazones. Elle semblait voir en lui un concentré de ce qu’elle avait rencontré de pire chez les hommes. Il avait bien des défauts, mais utiliser la force pour arriver à ses fins… elles ne l’avaient pas élevé ainsi, et c’était tellement peu gratifiant.

Par contre… oui, ça il pouvait bien se le permettre.

Un souffle derrière l’oreille, puis un baiser furtif au creux du cou, et il s’éloigna d’un bond pour continuer d’un air plus guilleret.

« Mais si c’est ce sentiment de domination qui vous intéresse, je cours chercher les chaînes et les costumes de cuir. »

Il s’inclina sans plus pouvoir s’empêcher de sourire, les yeux pétillants de malice.

Ce Shandora se moquait d'elle.... ça en devenait presque insuportable....

Il avait oser l'embrasser. Furtivement certes, et dans le cou... mais l'embrasser quand même...

Elle avait envie de le faire rotir comme un vulgaire mâle qu'il était....
Mais, n'était-ce pas ce qu'il attendait?
Et en avait-elle vraiment envie....

Salayak, le regardant s'incliner, ne put s'empêcher de penser que ce felys avait un certain charme.... Enfin, pour un assassin....

Tressaillant devant ses sentiments, Salayak se ressaisit.
Elle était en train de tomber amoureuse!
Non, ce n'était pas possible!
Elle s'était juré de ne jamais aimer qui que ce soit!

Il fallait qu'elle fuit..... qu'elle se sauve devant ce felys qui avait touché son coeur, elle, la farouche et fière Amazone qui n'avait pourtant peur de rien...

Regardant Shandora, avec un regard absent, Salayak lui dit comme dans un murmure:
"Désolée... je dois y aller.. Nous reprendrons cette conversation plus tard!
Il faut que je rentre.... Mes soeurs m'attendent.... J'ai déjà trop tardée."

Salayak fit une révérence, un reste de sa bonne éducation, et s'enfuit a toutes jambes.

Comment avait-elle pu en arriver là... tomber amoureuse.. et de lui....

Il s’attendait à tout… vraiment tout : explosion de colère, boules de feu, gifles, nouvelles insultes… qu’elle s’en aille en hurlant qu’elle ne voulait plus jamais avoir le moindre petit bout de sa fourrure à portée de regard…

Tout sauf sa réaction en somme.

Elle avait pourtant bien commencé à réagir. Il avait vu dans ses yeux une envie de lui roussir le poil. Et le temps qu’il se redresse elle s’était figée. Le regard absent, toute pulsion envolée… pour finalement murmurer ces quelques mots d’excuses et s’enfuir.

Il restait seul entre deux ents, un écureuil et quelques brins d’herbes…

Il fut tout d'abord vexé… vexé de s’être fait planter au beau milieu d’une foret, vexé que pour la première fois son petit jeu de se soit pas déroulé comme prévu.

Un jeu… il pouvait d’ailleurs se donner les raisons qu’il voulait mais ceci non plus n’était pas dans ses habitudes à lui.
Normalement, s’il voyait qu’il ne pouvait obtenir les faveurs d’une femme il abandonnait, il y avait suffisamment de femmes en ce monde pour ne pas perdre son temps pour une cause perdue d’avance...
Mais là… chaque rencontre finissait plus ou moins en altercation, il avait reçu des boules de feu, des gifles... et surtout elle haïssait les males.
Pourtant il était toujours là. Et plus encore, il faisait tout pour la protéger, s’inquiétait même… pourtant il ne s’inquiétait que pour ses proches.

Le felys siffla de mécontentement, il ne comprenait pas, et cela l’agaçait au plus haut point.

« reprendre cette conversation plus tard » çà non plus çà n’était pas normal.

Le felys jeta un œil dans la direction où Salayak s’était enfuie.

Tsss.. elle était déjà loin... et la nuit tombait, il était attendu ailleurs et déjà bien en retard… il ne pourra donc pas la rattraper. Cette constatation ne fit qu’amplifier sa mauvaise humeur. Son « rendez vous » avait plutôt intérêt à ne pas lui échauffer les moustaches, ou il s’appliquerait à remplacer le silence de la nuit par des hurlements de douleurs.

Il irait demander conseil plus tard… un mot lui trottait bien dans la tête, mais il lui paraissait si improbable… oui, sa protectrice devrait pouvoir lui répondre.

Le felys tourna les talons et s’enfonça dans la foret à la recherche d’une cache bien particulière, veillant à se faire le plus discret possible.