C'est le premier pas qui compte

Dans la demi-clarté de la grotte, un bossu borgne et boiteux s’active entre la table et le chaudron. Il remplit des fioles d’un liquide verdâtre.

ixxi : - As-tu enfin fini ?
le bossu : - Presque, maîtresse, presque. Encore cinq ou six et c’est fait.

Elle s’approche de lui, un bol à la main.

ixxi : - Crache dedans.

Il obéit.

ixxi : - Voilà la dernière potion pour provoquer la diarrhée est faite.

Elle vide le contenu du bol dans une bouteille étiquetée.

ixxi : - Tout est rangé sur les étagères. Pour les verrues, les urticaires, les maladies digestives, les maux de tête et les saignements, ici. C’est classé par type de maladie et la gravité qu’elle assène. Les sortilèges de dominations et ceux de peurs sont enfermés dans l’armoire. Sur l’étiquette, j’ai marqué la formule incantatoire qui accompagne. Si certains individus visés devaient dégénérer jusque vers l’agonie, tu as quelques remèdes dans le coffre. Mais n’abuse pas de ceux-ci, ce n’est qu’en dernière extrémité.
le bossu : - le grand sort de folie, il y est, hein, il y est ?
- Fssiii ! Pauvre sot. Aucun de ces flacons ou de ces sorts n’assomera un boeuf. Tu as de quoi faire tourner la boutique en mon absence, c’est bien suffisant. Crois-tu vraiment que je laisserais une grande puissance entre les mains d’un apprenti si peu doué ? Je veux retrouver des clients à mon retour, pas un champ de tombes.
- Bouhfff !
- Tu négocieras les petits services contre du ravitaillement, pour assurer ta survie. Les autres, tu connais les tarifs.
- Voui, voui.
- Et je veux retrouver l’argent dans le trou à serpents.
- Voui, voui.
Il se dandine dès qu’elle tourne le dos.
- Tu crois que je ne te vois pas ?
- Une puce. Une puce qui gratte.

Quand leur travail est achevé, le soleil touche l’horizon. Six jours et six nuits de labeur. Le bossu s’est tapi près du feu dans une couverture. Il dort. Elle doit encore préparer ses affaires de voyage.

Un rayon de soleil pénètre dans la grotte. Il fait danser le jeu de miroirs qui répand un voile de lumière dans la salle. La nuit fut courte. Elle ramasse un échafaudage de sacs, de musettes, de gourdes et son bâton. Elle jette un dernier regard autour d’elle. Elle sait que son petit chez soi, humide et puant va lui manquer, mais elle doit partir. Elle sort de la grotte et charge son paquetage sur son dos. Le bossu la suit en baillant.

ixxi : - Voilà, je suis au point de départ du chemin que m’a montré mon étoile. Prends soin des choses que je t’ai confié. Adieu.
le bossu : - Voui, voui. Adieu.

Il agite un grand mouchoir jusqu’à ce qu’elle disparaisse au détour des arbres de la forêt. Il se mouche dans un grand bruit.

le bossu : - Sot ! Sot ? L’étoile du destin qui l’appelle. Bouhfff ! Un cul-terreux qui agite une chandelle, voui. Bouhfff ! C’est qui le sot ? Ah ! Et moi ? Patron d’la boutique. C’est qui le sot ? Ah !

Alors qu’il va entrer dans la grotte, un souffle vient agite les feuilles et lui souffle à l’oreille un écho venant on ne sait d’où.

- Tu crois que je ne t’entends pas ?

Il sursaute et crie.

le bossu : - Ma jambe qui gémit, ma jambe.

Puis il entre.

le bossu : - Une enseigne à l’entrée, ”La boutique du petit malheur”. Voui. Patron le bossu !



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Je me suis creusée la tête pour écrire un petit quelque chose qui a donné ça. Pas habituée. Donc n'hésitez pas à me dire si ça tient debout, si ça fait texte rp qui correspond à l'univers Sarwyen, ou ce qui ne va pas.

Le soir rejoint ixxi au pied des premiers contreforts montagneux. Elle installe son campement pour la nuit. En prenant un maigre repas, elle contemple le paysage. La forêt, juste en dessous. Les lumières des villages, un peu plus loin. Et tout là-bas, au coeur de la plaine, étincelant sous la lune, le temple des grandes prêtresses de la lignée des Tuc-Rû.

Le silence amène en elle des souvenirs. Des images se glissent dans son esprit et lui font remonter le temps.

Il n'y eut guère de mots gentils entre eux, pourtant de la tendresse l'unissait au bossu. Elle l'avait secouru, soigné, protégé depuis sa petite enfance. Ils n'avaient survécu que parce que ces deux sorciers étaient les seuls à offrir certains services peu avouables. Et puis surtout, ils avaient hérité de la crainte qu'engendrait la mort du vieux de la montagne.

Lui, le monstre sans âge, aussi vieux que les fondations du temple. Le vieux de la montagne qui l'avait maintenu, elle, en esclavage, tant d'années. Mais, elle avait su lui voler son savoir, en l'observant, jour après année. Le vieux de la montagne qui se concoctait un élixir de jouvence à base de sang de bébés saurus. Le vieux de la montagne qu'elle avait eu le courage, enfin, de tuer, alors qu'il estropiait celui qui deviendrait son bossu. Le vieux de la montagne, celui qui s'occupait des basses besognes du temple.

Elle aurait pu être l'une de ses prêtresses, immaculées de sagesse. Elle aurait pu répandre la vie d'un simple geste, elle aussi. Choisie alors qu'elle était encore dans l'oeuf par la grande prêtresse Luce, la xiix * vénérable. Choyée, dans la couveuse du temple. Jusqu'au jour horrible de l'année de la terrible tempête. Le vent ravageant tout sur son passage, était entré jusque dans la pouponnière. L’accalmie revenue, la grande prêtresse ne put que constatait le drame, l'oeuf avait chut. Et son cri de désespoir résonne encore jusque dans la plus lointaine chaumière : " Nonnnnn !... Pas d'oeuf fêlé chez Luce Tuc-Rû".

La nuit même, l'oeuf fut confié au vieux de la montagne pour être détruit. Il le jeta dans un trou, au fin fond de sa caverne, parmi des restes de cadavres et d’autres détritus. Jusqu’au jour où, à la lueur d’un flambeau, il découvrit la naissance de l’ixxi **, parmi une bande de serpents venus couver l’oeuf abandonné et les immondices qui l’avaient nourris durant trop longtemps. Ce miracle arrêta son bras meurtrier et il fit du saurus son esclave.



* xiix : nom donnée à la grande prêtresse, le sommet de la sagesse vénérable.
** ixxi : nom commun, signifiant par opposition, le déchet, le déchu.